Un reportage multimédia de L'Apostrophe

Un vent de changement : énergie éolienne et réconciliation

L'énergie éolienne a le vent dans les pales au Québec : depuis le début des années 2000, le gouvernement provincial a investi massivement dans la filière éolienne. Ces investissements, complémentaires à  l'hydroélectricité, ont permis de diversifier le portefeuille énergétique de la province. C’est dans ce contexte qu’apparaît en 2018, dans les vallons boisés du Bas-Saint-Laurent, le parc éolien Nicolas-Riou. Résultat du savoir-faire autochtone et allochtone, il s’agit du plus grand projet collaboratif éolien mis en service à ce jour au Québec.

S'unir pour bâtir

À une autre époque, un projet d’une telle envergure aurait pu créer de la compétition entre les municipalités régionales de comté (MRC). Dans le but d’unir leurs compétences et de réduire les risques financiers, l’Est-du-Québec s’est donc allié « pour former un tout », explique le préfet de la MRC des Basques, Bertin Denis, au pied d’un des 68 moteurs à vent géants. C’est ainsi qu’à vu le jour l’Alliance éolienne de l’Est à l’été 2014.  

La pluralité des acteurs impliqués est frappante : huit MRC du Bas-Saint-Laurent, cinq MRC de la Gaspésie ainsi que la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk ont uni leurs forces. Il s’agit d’une coalition mise en place dans une « approche partenariale, en prenant acte que la Première Nation, elle était là bien avant nous », soutient Michel Lagacé, président du projet.

Terres revendiquées

Le lieu où a été érigé le parc éolien Nicolas-Riou fait partie des terres ancestrales revendiquées par la communauté Wolastoqiyik Wahsipekuk. En effet, ses membres réclament le territoire allant de la rivière Métis à la rivière Etchemin. 

En 1870, la réserve de Viger, où résidaient les Wolastoqiyik,  leur a été arrachée des mains par le gouvernement canadien. « La communauté a été ciblée comme un problème et un obstacle à la colonisation par les autorités. [...] Il fallait que la réserve soit enlevée aux “sauvages” et vendue aux colons », raconte Édith Bélanger, assistante aux revendications pour la communauté. À la suite de cette dépossession s’est enclenché le processus de dispersion et les membres se sont retrouvés éparpillés dans la province.

Il faut que les gens sachent qu’on n’a pas disparu. On était juste cachés.

- Édith Bélanger

Non seulement, ce projet énergétique représente pour la communauté Wolastoqiyik Wahsipekuk une possibilité d’affirmer son autorité territoriale et de s’approprier  ses ressources, mais il s’agit également d’un important levier de croissance économique pour les différents acteurs impliqués. Le préfet de la MRC des Basques, Bertin Denis, ne cache pas sa fierté devant l’importance du projet pour la région.

Collaborer et avancer

Pour Kévin Morais, l’inclusion de sa communauté dans le projet Nicolas-Riou représente « un pas vers l’avant » dans le processus de réconciliation entre le gouvernement et la Première Nation.  

À partir du moment où tu impliques les Autochtones dans un projet, tu reconnais leur autorité, leur présence et leur raison d'être.

- Bertin Denis

« Participer à des projets régionaux est une façon de réparer [le passé] », renchérit Édith Bélanger. Elle rappelle cependant que sa communauté n'est pas prête à effacer l’histoire de sitôt et souligne qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. « Quand on parle de réparation pour la perte de Viger, il faut que le gouvernement reconnaisse qu’il nous a enlevé la possibilité de vivre comme communauté autochtone  », tranche-t-elle. 

Tendance à la hausse

Trois ans après la mise en service du parc éolien Nicolas-Riou, cette tendance collaborative fait son bout de chemin.  « Il y a un désir important de participation [à des projets d’énergie propre] de la part des communautés », indique Édith Garneau, experte en gouvernance autochtone. 

L’actualité récente lui donne raison: le 4 février dernier, le gouvernement Legault a donné le feu vert à la mise en œuvre du  parc éolien Apuiat sur la Côte-Nord, un projet collaboratif entre les Innus de Uashat mak Mani-utenam et la société Boralex. Une initiative qui verra à nouveau travailler main dans la main des acteurs qui ont à cœur un futur énergétique propre et inclusif dans la province.